Alain de Benoist
Quant à Jésus et ses frères, ce livre fait suite, en quelque sorte, à Comment peut-on être païen ? et à L’éclipse du sacré (dont Alain de Benoist estime, dans C'est-à-dire, qu'il constitue l'un des livres qu'il est fier d'avoir écrit). L’ouvrage approfondit le sillon de la réflexion menée par l'auteur sur les questions relatives à la religion. Outre une série de textes passionnants sur l'histoire de Jésus, le recueil s'interroge sur l'idée de Dieu, mais aussi sur les rapports souvent étroits qui unissent l'intolérance et la foi. Le livre dresse également un bilan détaillé de le pontificat de Jean-Paul II, et analyse l'élection de Benoît XVI (non sans s'interroger sur ce que pourrait être la stratégie à long terme de celui qu'on nommait parfois le Panzerkardinal, du temps ou il était préfet pour la Congrégation de la doctrine de la foi). Un texte volumineux et fondamental sur le sens et la nature du phénomène religieux, «Qu'est-ce qu'une religion ?», redent aussi particulièrement l'attention, ainsi qu'une série d'entretiens gravitant autour de ces problèmes.
Dans l'oeuvre d'Alain de Benoist, au-delà des polémiques suscitées par les critiques du christianisme, et au-delà de l'exhumation du patrimoine culturel païen - qui n'a jamais été poussée chez l'auteur au point d'appeler à une reviviscence des anciens cultes, mais simplement à leur redécouverte, susceptible de redynamiser la pensée dans le présent -, on a peut-être trop sous-estimé 1'importance des écrits sur la religion en général. En évoquant son oeuvre, on pense la plupart du temps d'abord à ses réflexions proprement politiques sur la différence, la citoyenneté, la démocratie, etc. Mais cette perspective à courte vue semble oublier que les fondements proprement philosophiques de cette pensée reposent d'abord sur des questions telles que l'articulation de l'un et du multiple, ou encore la remise en cause de la métaphysique, très inspirée ici de la méditation heideggérienne.
De ce point de vue, l'entretien accordé à Danièle Masson, reproduit dans le volume, est absolument admirable. En lisant ces pages, on mesure à quel point la réflexion d'Alain de Benoist est riche d'une base philosophique qui manque à la plupart des politologues, sociologues et historiens des idées contemporains. Et l'on peut regretter qu'il n'ait pas davantage investi, au cours de sa carrière, le terrain de la philosophie pure, pour lequel il a de toute évidence un talent remarquable...
Dans l'oeuvre d'Alain de Benoist, au-delà des polémiques suscitées par les critiques du christianisme, et au-delà de l'exhumation du patrimoine culturel païen - qui n'a jamais été poussée chez l'auteur au point d'appeler à une reviviscence des anciens cultes, mais simplement à leur redécouverte, susceptible de redynamiser la pensée dans le présent -, on a peut-être trop sous-estimé 1'importance des écrits sur la religion en général. En évoquant son oeuvre, on pense la plupart du temps d'abord à ses réflexions proprement politiques sur la différence, la citoyenneté, la démocratie, etc. Mais cette perspective à courte vue semble oublier que les fondements proprement philosophiques de cette pensée reposent d'abord sur des questions telles que l'articulation de l'un et du multiple, ou encore la remise en cause de la métaphysique, très inspirée ici de la méditation heideggérienne.
De ce point de vue, l'entretien accordé à Danièle Masson, reproduit dans le volume, est absolument admirable. En lisant ces pages, on mesure à quel point la réflexion d'Alain de Benoist est riche d'une base philosophique qui manque à la plupart des politologues, sociologues et historiens des idées contemporains. Et l'on peut regretter qu'il n'ait pas davantage investi, au cours de sa carrière, le terrain de la philosophie pure, pour lequel il a de toute évidence un talent remarquable...
Morale arétique et morale idéologique
Les pages consacrées au dualisme et au monisme, à la mystique médiévale, à la morale, ou encore au désir, sont d'une richesse incomparable. Elles ne sont pas dépourvues de liens avec les textes plus politiques de l'auteur: au contraire, elles leur apportent une fondation. La remise en cause de la doctrine nominaliste de Guillaume d'Ockham, par exemple, est en quelque sorte le soubassement de la critique de l’individualisme libéral. La réflexion sur la pleonexia grecque (le «vouloir-plus») fonde indirectement l'appel à sortir de la logique moderne de la croissance. L’opposition entre le temps cyclique et le temps linéaire explique la montée en puissance de l'idéologie du progrès, une fois les schémas de pensée chrétiens sécularisés et transformes en religions politiques matérialistes ou positivistes. La distinction entre la morale arétique et la morale déontologique porte en sous-main le développement de l'idéologie droit-de-l'hommiste actuelle. Le passage d'une éthique collective de l'honneur à une morale du péché, rabattue sur le for intérieur, justifie pour ainsi dire le désengagement communautaire contemporain et le déclin dela vertu civique.
Jésus et ses frères, en somme, ne doit pas être considéré comme un ouvrage mineur d'Alain de Benoist. C'est au contraire un livre qui, en rassemblant des textes de styles et de tons disparates, propose des éléments essentiels de sa réflexion. Un livre qui étend sa réflexion à des champs de la pensée établissant les piliers à partir desquels, pour ainsi dire, l'oeuvre a pu s'édifier.
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Paul MASQUELIER
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Paul MASQUELIER
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Jésus et ses frères, Les Amis d'Alain de Benoist, Paris 2006, 320 p., 27 €.
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in, Eléments - N.º 124 Printemps 2007 - p.48
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in, Eléments - N.º 124 Printemps 2007 - p.48
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